Fin de service pour Xavier
- x-schoonheere
- 12 août 2024
- 9 min de lecture
Dernière mise à jour : 18 août 2024
« Fin de service » : c'est mon rituel sur le groupe whatsapp à l'issue de chaque mission quotidienne. Je ne l’écrirai plus, les jeux sont finis pour moi.
A 18.50 ce dimanche 11, dans le métro, je me souviens avec intensité des quatre derniers jours de ces JO formidables.

Jeudi 8 août
Direction Le Bourget par le RER de 6h45. Je ne reconnais pas les rues de cette ville de Seine Saint Denis, d'ordinaire bondée, près de la gare rénovée. Elles sont propres, presque sans personne, sauf les touristes et les nombreux policiers par groupes de 4-5. Des constructions neuves sont en cours dans la rue face à la gare, avec aussi une nouvelle boulangerie. On se croirait dans un gros bourg de province me dit ma collègue Florence !
Le site d'escalade Bourget (c'est son nom officiel) apparaît après 10 mn de marche : c'est une enceinte bien aménagée avec plusieurs terrains synthétiques, une salle multisports et un stade éphémère. De nombreux arbres ont été plantés mais trop récemment pour donner de l'ombre. Le tout donne une impression de vacances dans un camping 4***. Nous sommes venus tôt pour repérer les lieux. Et les clients n'ont mis que 30 mn en car, avec notre collègue Jacques, pour parcourir la distance depuis la Tour Eiffel. Ils arrivent 1h30 avant le début de la compétition. Mais le temps passe vite grâce aux nombreux stands de nourriture, aux vidéos de Paris 2024 et au mur d'entraînement des athlètes. Pour nous tous c'est la première fois que nous assistons à de l'escalade en compétition. Et ce n'est vraiment pas pareil qu'à la télévision. Ce sport m'avait déjà impressionné aux JO de Tokyo par sa difficulté. Quasiment tous les concurrents n'arrivaient pas à la fin des parcours. C'est le cas aussi durant ces olympiades. L’épreuve de difficulté consiste à grimper le plus haut possible un mur de 15m, en 6 minutes, et en découvrant la voie quelques minutes en avance. Peu d’athlètes arrivent à dépasser ce jour-là le score de 60/100. La Slovène Garnbret réalise quand même l’exploit d’un 96 ! Deux Françaises (Bertone et Avezou) sont acclamées par la foule mais tombent toutes les deux à 45.
Quant à l’épreuve de vitesse c’est une spectaculaire course contre la montre en duels éliminatoires.
Les quarts, demies et la finale Hommes se déroulent en 20 minutes. Le Français Mawa Bassem (record olympique à Tokyo) est éliminé dès les quarts et l’Américain Watson (record du monde à 4,75 secondes deux jours avant) en demie. C’est l’Indonésien Leonardo qui remporte le titre, à la grande joie de ses supporteurs. Comme je me dirige vers le parking pour préparer la sortie imminente des clients je ne le vois pas mais je croise ceux qui crient le plus fort : ils n’ont pas de billets et regardent la finale sur un téléphone portable à l’entrée du site. Ils resteront longtemps pour chanter après la sortie des spectateurs. Ils me demandent de publier leur photo sur les réseaux : c'est fait ici même ! L’escalade fait partie de mes sports favoris durant ces JO !

Je décide d’aller au Parc des Champions au Trocadéro. Tout le monde m’a dit que l’ambiance y est exceptionnelle dans ce site de rêve : La Tour Eiffel en toile de fond pour les athlètes qui viennent le lendemain de leur victoire. La file est longue pour entrer car c’est gratuit, elle commence devant la Cité de l’Architecture, elle fait le tour de la place et se termine aux escaliers de l’esplanade. Je teste si je peux passer par l’entrée Staff et cela fonctionne aussi sur ce site avec ma carte d’accès ! En 10 mn je me retrouve assis dans les gradins en face de la scène. Le show a commencé pour occuper les spectateurs mais les athlètes ne sont prévus que 1h15 plus tard, à partir de 17h45. Cela passe vite avec ce décor, des vidéos et les animateurs de « salle ». Le lancement de la cérémonie sera fait par Martin Fourcade, quintuple champion olympique en biathlon, le seul Français présent ce soir-là sur scène. Le compteur de médailles est bloqué depuis hier. Je passe un beau moment dans ce cadre prestigieux avec le bonheur partagé par les équipes de natation artistique de Chine (or) et des Etats-Unis (argent). Il est temps de prendre le RER mais la sortie se situe côté Seine. Il faut ensuite aller le chercher au Champ de Mars en passant par le pont Bir-Hakeim : 15 mn à pied et la possibilité de prendre des photos de la Tour Eiffel !

Vendredi 9 août
Aujourd’hui je ne commence qu’à 17h. Je choisis de me rendre avant à l’Arena La Chapelle. Je ne serai pas déçu. Il fait désormais partie de mes préférés : accessible rapidement en tram T3b ou métro 12, bien pensé au niveau des espaces intérieurs et de l’accueil des personnes en situation de handicap. Après les JOP la salle pourra accueillir des événements sportifs et des spectacles jusqu’à 8000 personnes. C’est aussi le club résident du Paris Basketball.
Pour l’instant j’assiste au début de la finale de gymnastique rythmique (cerceau, ballon). Les passages de Maria Kolosov sont encouragés par tous les Allemands venus en nombre avec drapeaux et chapeaux noirs, rouges et jaunes. La salle retient son souffle et pousse des « oh » après chaque faute de l’athlète ukrainienne puis l’applaudit chaleureusement.

Ensuite destination le Stade de France. Nos clients sont bien assis en tribune U7, en face de la ligne d'arrivée des courses. Denis Brogniart (M.Koh-Lanta mais aussi journaliste sportif) est de nouveau le speaker des épreuves d’athlétisme avec un confrère anglais. La soirée commence avec trois cérémonies des vainqueurs de la veille, deux hymnes US. Comme un présage il pleut sur Saint Denis quand la compétition commence. Encore une fois au mauvais moment ! J'ai pu m'asseoir au dernier rang de la tribune basse, devant les places PSH (Personnes en Situation de Handicap) qui ne sont pas toutes prises. Je comprendrai pourquoi plus tard : à chaque course les spectateurs se lèvent et les personnes en fauteuil roulant doivent donc faire pareil si elles veulent voir. Une Volontaire conseillera à une dame de monter à la loge supérieure pour se plaindre et obtenir une meilleure place. Là où je suis j'ai du mal à me connecter pour suivre à distance la situation au Parc des Princes. Comme je n'entends aucune clameur je me doute que les footballeurs français perdent face à l'Espagne en finale. Je saurai plus tard qu'ils sont allés jusqu'aux prolongations. La dominicaine Paulino au 400m en 48''17 bat le record olympique de Marie-José Pérec datant de 1996. La belge Nafissatou Thiam gagne l'heptathlon pour la 3e fois consécutive. C'est la première triple médaille d'or de Belgique. Nous avons des invités de ce pays qui sont donc très contents ! Au 10.000m Femmes deux athlètes sont tombées, dont une nécessite une évacuation en brancard urgente qui a failli mettre en difficulté le peloton de tête lors de son passage. Distancée de 2mn la britannique Megane Keith fait son dernier tour seule et tout le stade l'applaudit à tout rompre comme si elle était la leader. C'est sa minute de gloire. Nous assistons aussi à plusieurs tours d'honneur du stade par les champions du jour : l'allemande Ogunleye en poids, les étatsuniennes en relais 4x100m. A 22h c'est la remise des médailles aux vainqueurs du 200m Hommes de la veille : Letsile Tebogo (Botswana) a remporté l'or en 19"46. Encore aucune médaille pour la France en athlé ! Demain peut-être au 800m Hommes ou au 100m haies Femmes ? Nous quittons le Stade de France dans le flot de la foule plutôt fluide jusqu'au parking P7. Les consignes données aux cars de tourisme ont changé depuis plusieurs jours. Ils ne peuvent plus stationner ni faire de dépose/reprise (drop off-drop on) dans la longue avenue Mitterrand qui mène à la gare de Saint Denis. Notre collègue Stella nous donne rendez-vous à un carrefour pour nous mener dans une petite rue où le car a trouvé une place. Après son départ on reste tous les deux encore 40 mn au cas où un client aurait oublié des affaires. La serveuse d'un restaurant nous raconte son ressenti avec les clients des Jeux comme si nous n'en étions pas.... Fin de service à 23.10. Je repars par la gare nouvelle de Saint Denis-Pleyel à 5 mn du P7 pour prendre la ligne 14. La zone est très bien desservie en transports en commun et les gares sont prévues pour accueillir des milliers de spectateurs. J’admire une dernière fois la nouvelle passerelle éclairée la nuit.

Samedi 10 août
En sortant du Rer à Musée d'Orsay je croise des policiers français en patrouille avec leurs collègues de Los Angeles, la prochaine ville hôte des Jeux. Ca sent déjà le relais et la fin des JO… Je me rends à Paris Sud (donc à la Porte de Versailles) par la station Solferino qui n'est toujours pas bien visible en venant des quais de Seine. Il n’est pas rare d’orienter des touristes à cet endroit. Les Volontaires à la sortie du métro Porte de Versailles doivent indiquer la direction de 2 finales : le volley-ball masculin à Arena 1 où se dirigent de nombreux Français et le tennis de table féminin où vont beaucoup de Chinois. A croire que les billets ont été revendus au dernier moment aux supporteurs des nations figurant au match pour la médaille d'or !?... Mon travail du jour consiste à accueillir et mener à l'entrée un groupe Panasonic de 30 invités (Chine, Corée, USA). Je vais au parking P7 à 10 mn à pied pour voir si rien n'a changé en une semaine et identifier le plus court chemin à l’ombre. Les clients auront peu de temps pour arriver. Leur déjeuner se termine à 14h et le match commence une heure plus tard. Ils arriveront quelques minutes avant le début. La ferveur chinoise est tellement intense, les cris incessants à chaque point gagné ou perdu que je n’assiste pas à toute la rencontre. La star du ping-pong chinois Chen Meng est adulée partout à l’extérieur et dans l’Arena. C’est elle qui permet à la Chine de remporter l’or en équipes. En allant au parking pour préparer la sortie des invités je vois les dizaines de supporters français qui chantent encore la victoire en volley-ball 2 heures avant !

Dimanche 11 août
Dernier jour. Je ne lâche rien. Je suis dans une course de fond... Je vais profiter au maximum. En sortant de chez moi je me redis que j'ai vraiment de la chance de vivre ce moment intense et inoubliable. A la gare d'Austerlitz, sur le chantier à côté, je vois les grues bleu blanc rouge : un heureux clin d'oeil à cette journée. Je suis motivé aussi à l'idée de visiter un nouveau site olympique : l'Arena Champ de Mars qui abrite les compétitions de lutte. Je suis chargé de repérer les lieux une heure avant l'arrivée des clients. Ce sont les mêmes qu'hier. Avec ma collègue Wiveka nous arrivons très tôt par l’entrée commune du personnel et des athlètes. Nous parcourons les coulisses et la zone où sont installés les tapis de lutte. Nous nous prenons en photo devant l’écran vidéo « le moment de l’athlète » qui permet au vainqueur de voir sa famille juste après sa victoire. Peu y passeront finalement.
Avant la compétition on nous présente Alice Milliat par un film puis dans la salle en costume et ombrelle : hockeyeuse et rameuse, elle s'est battue pour la reconnaissance du sport féminin et elle a créé les premiers JO féminins en 1922. Les organisateurs de Paris 2024 aurait dû la faire rencontrer le faux Pierre de Coubertin !
En tout cas aujourd’hui dans cette salle vont se succéder toutes les 6 minutes les matchs de lutte libre Hommes et Femmes pendant 3h30. Un Japonais et une Japonaise remporteront les médailles d’or. En peu de temps j’ai appris à connaître les règles et les codes de ce sport passionnant, rapide, plein de rebondissements et qui me plaît bien ! La représentativité mondiale est intéressante surtout dans des pays peu rencontrés aux JO de Paris (Mongolie, Kazakhstan, Iran, Equateur).
Maria et Laura m'ont ajouté une mission aujourd'hui. Je suis content de prolonger l'expérience de quelques heures en terminant avec les clients par une visite de Montmartre, le plus haut sommet de Paris. Nous sommes cinq pour les encadrer, cela permet de retrouver des collègues que je n'ai pas vues depuis quelques temps. Le groupe chinois et le groupe étatsunien n'ont pas les mêmes envies à Montmartre. On ne sera pas trop pour s'occuper d'eux quand l'un avance vite et l'autre s'attarde. En tout cas le repas (à 17h !) au "Moulin de la Galette" leur a fait du bien après presque 2 heures de visite menée par Rebecca.
Les échanges avec les clients ont souvent été limités mais ce dernier jour un des invités chinois me posent des questions : "où habitez-vous, êtes-vous Parisien, travaillez-vous pour Panasonic ?". On parle quelques minutes aussi de la Chine mais cela ne dure pas, le car est déjà là...
Alors que les clients partent au Stade de France je verrai la cérémonie de clôture depuis mon canapé et c’est très bien. Celle d’ouverture m’a vacciné contre les "rendez-vous planétaires filmés pour être vus sur écran". Et je ne le regretterai pas car plusieurs séquences de Los Angeles sont effectivement enregistrées à distance !

Au final je me suis laissé porter par cet événement olympique où tout était bien organisé en détail, même dans mon travail, et où chaque personne a fait son action en comptant sur le relais d'une autre. Nous avons vécu tous ensemble des moments inoubliables ! C'était une parenthèse enchantée dans une ville que pourtant je connais mais "transformée".
Je suis satisfait d’avoir traversé ce mois olympique comme un sportif amateur au niveau de la gestion de l’effort, du mental, de la récupération. Pas de blues ; c’est seulement la mi-temps. Les Jeux continuent avec les Paralympiques et une formation de Volontaire dès dimanche prochain. A bientôt !